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Le Procès (vie du club)

LE PROCES DE MAUMUSSON-LAGUIAN

(Chronique)

 

L’affaire avait été tellement dramatique et lourde de conséquence qu’il fut décidé de convoquer sur le champ – ou plutôt sur le pré (nous sommes dans le Gers !) -  la Cour pour juger quatre prévenus particulièrement dangereux, les frères AY DIE. Il fut donc décidé d’installer le tribunal en la bonne bourgade de MAUMUSSON-LAGUIAN en la demeure du bayle Guildéric EZEVEDAL. Le lieu, tranquille, situé sur les coteaux,  assurait la sérénité des débats et garantissait une bonne justiceOn attendit la nuit tombée afin que la canicule de cette journée de fin septembre apaise les corps et les esprits. La Cour se réunit en audience publique après que les plaignantes et les plaignants, leurs conseils et les juges se furent sustentés grâce à des produits du terroir accompagnés de raisonnables libations.

 

Le président Philibert NOVE, appela à la barre les quatre prévenus AY DIE. Il demanda à la victime principale de se présenter. « Je suis dame Esclarmonde d’EDASSAUC », dit-elle d’une voix encore éteinte, davantage par la sidération que par la souffrance résultant de sa blessure. Esclarmonde d’EDASSAUC, élégante et digne, après avoir rappelé ses origines ossunoises, en vint à l’objet de sa plainte. Un des frères AY DIE, venu de nulle part, fondit sur elle. Est-ce par coquetterie ou simplement par réflexe d’auto-défense qu’elle couvrit le visage de ses mains ? Dans sa rage, un des AY DIE  planta férocement son dard sur un de ses doigts, l’index précisément, lequel enfla à vue d’œil. A écouter sa déposition, un élève d’Esculape, présent sur les lieux, lui sauva sinon la vie mais au moins le doigt ! 

 

A la demande du juge qui souhaitait s’enquérir de l’origine de cette agression, l’avocat Melchior TEBOM, un homme svelte de corps et d’esprit engagea une plaidoirie que Descartes n’eût pas reniée. « Votre honneur », dit-il en s’adressant au juge NOVE, - dont on s’apercevra que son âme bien née (en langue d’Oil selon nos sources) n’a pas attendu le nombre des années -, « cet attentat, car il s’agit bien d’un attentat, était prémédité. Et il  fallut la présence d’esprit de ce groupe de chemineaux et vélocipédistes pour qu’il n’y ait pas eu d’autres victimes. Dès leur arrivée en cette bonne ville de NOGARO, ils entendirent comme des vrombissements d’aéroplanes ou de véhicules à moteur. Ils n’en prirent pas ombrage puisque un aérodrome et un circuit automobile font la réputation de ce chef-lieu gersois. Mais, selon les témoignages reçus des uns et des autres, il s’agissait de bien d’autre chose. Les amateurs de la petite reine aperçurent, au cours de leurs pérégrinations sur les coteaux et les vallons, une escouade volante qui passait sans cesse au-dessus de leurs têtes. Femmes et hommes rompus aux dangers de la route ils ne s’en émurent pas pour autant, bien qu’une halte à la chapelle des cyclistes en terre landaise, fût un refuge, profane pour certains, spirituel pour d’autres. Les marcheurs connurent les mêmes affres. Le matin, ils saisirent l’opportunité de la visite de la palmeraie du Sarthou pour se mettre à l’abri de ces bestioles volantes. Et l’après-midi, certains accablés de chaleur et inquiétés par ces harcèlements stridents – d’aucuns n’hésitèrent pas à  les comparer à des piqués de Stukas ! – durent écourter leur randonnée et se réfugier dans l’auberge mise gracieusement et noblement à leur disposition par leurs hôtes nogaroliens. L’attaque eut lieu, monsieur le président, au couchant. De la manière la plus sournoise et la plus violente.

Alors que ces braves gens, qui se sont tous portés partie civile, se détendaient autour de plats gascons, la belligérante patrouille les agressa avec sauvagerie. Il fallut le courage de quelques gentilshommes  pour éloigner le danger et procéder à la capture de ces insectes de malheur. ».

 

Invité à présenter la défense de ses clients ailés, maître Joan EBRABEM, plaida à charge renversée. « Tout cela n’est que le fruit d’hallucinations. Ces bigourdans étaient en goguette, à plusieurs lieues de chez eux où ils avaient laissé – je n’ose pas dire « abandonné » -  leurs familles. Ils savaient que dans ce généreux cœur de la Gascogne, le Gers, ils trouveraient les meilleurs mets, vins et liqueurs du monde. Et que firent-ils ? Ils s’abandonnèrent aux plaisirs de la table, allant du foie gras au magret, dégustant ici un Pacherenc, là un Saint Mont, s’éternisant sur l’Armagnac, ou plutôt sur les Armagnacs au prétexte qu’il fallait déguster celui de l’âge des voisines et voisins. Vous comprendrez, monsieur le président, que le soleil aidant ces braves gens perdirent tout discernement. Ils étaient si fortement déboussolés qu’ils  attentèrent à la vie d’un brave frère AY DIE qui voletait, histoire de se dégourdir les ailes, et qu’ils le poursuivirent hystériquement avec une raquette électrique. Une raquette électrique, monsieur le Président ! Mes clients ne sont pour rien dans cette affaire. Ils sont les victimes du changement climatique et nous devons, monsieur le bayle de MAUMUSSON-LAGUIAN, leur octroyer en votre bonne cité le statut de réfugiés climatiques. En conséquence, je  demande non seulement l’acquittement des frères AY DIE, mais leur protection dans ce relais où ils se sont abrités. ».

 

« A trop vouloir défendre l’indéfendable, on aggrave son cas » déclara en guise de conclusion de sa réquisition le procureur Pedro TORENA. « Nous comprenons les raisons vitales qui les poussent à s’enfuir de leurs pays d’origine mais que ceux-là cessent de polluer leur environnement et la planète. Je requiers que, dans sa sagesse, la Cour fasse des frères AY DIE les ambassadeurs de la dépollution auprès de toutes les autorités polluantes. ».

 

Et au petit matin, dans la fraîcheur de l’automne naissant, les frères AY DIE, escortés par quelques oiseaux bleus, s’éloignèrent des coteaux gersois.

 

Le chroniqueur judiciaire commis ad hoc

    Bertrand OUSSEB