Lundi 28, mardi 29 et mercredi 30 mai
Blason de Roquebrun
Le HAUT LANGUEDOC dans le rétroviseur
Ils et surtout « elles » - car ces dames étaient trois fois plus nombreuses que les messieurs - quittèrent les rives de l’Adour, à cet endroit où l’impétueux torrent devient fleuve pour rejoindre celles de l’Orb, pas moins fleuve que sa cousine pyrénéenne, sous les auspices de la femme allongée du Caroux (n’y voyez aucune allusion grivoise en ces temps où Thanatos menace Eros), au pied de la vigilante « Rocabrun », solidement appuyée au flanc de l’Esquirol et résolument tournée vers le sud et donc qualifiée de « Petit Nice ». Ils-Elles étaient déterminé(e)s à trouver le soleil puisque ce dernier désertait la Gascogne, refusant de réchauffer les corps et les esprits. Mais aux portes du Languedoc, Zeus (Jupiter a chuté de l’Olympe…), aidé par Eole, zébra le ciel de l’aveuglante foudre, jeta des trombes d’eau sur les braves terriens, jusqu’à les terroriser. Sauf nos bigourdans animés par une volonté et une foi (profane) d’acier.
Et Zeus leur en fut reconnaissant. Bien sûr, il leur fit comprendre qu’il restait, en toute circonstance, le maître des éléments, mais il leur octroya quelques heures de clémence. Ainsi purent-ils oublier leurs inquiétudes et parfois leur crainte de voir le déluge ruiner leurs espérances et retrouver la sérénité dans les effluves d’eucalyptus qui apaisaient leurs bronches, décontractaient leurs muscles, désengourdissaient leurs jambes dans une tranquille marche. Il fallait reconstituer les énergies, ce qui fut fait chez Saint Hubert ; et de belle manière !
Le lendemain, à la pointe du jour, Zeus jouait toujours avec les nerfs de nos amis, si bien que l’optimisme ne pouvait créer la confusion entre le ruissellement d’une douche et le déferlement de la pluie. Défiant la toute puissance divine, trois galants (hé oui, le féminisme s’accommode très bien de la galanterie !) s’en allèrent chez l’aimable boulanger quérir pour leurs compagnes et compagnons ce bon pain sans lequel on ne petit-déjeune ni ne déjeune. Devant le farouche et même entêté optimisme Zeus fit un geste, les nuages se déchirèrent, le soleil pointa à l’est. Donc, notre troupe prit le départ d’une randonnée longue de 15 kilomètres. D’abord en longeant l’Orb, puis en dominant ses vallées, en gravissant ses vallons pierreux et schisteux, cherchant à entrevoir le sommet du Caroux entre deux nuages, humant le parfum sucré des genêts au jaune éclatant, s’attardant sur les cystes, recherchant les noms des autres fleurs qui bordaient le chemin, longeant les vignes aux ceps noueux dont les minuscules baies indiquaient cette période de juin que les vignerons nomment la nouaison, baies qui deviendraient grains de raisins en juillet et août et changeraient de couleur au moment de la véraison annonçant la proximité des vendanges – que les viticulteurs ne voulaient surtout pas amères ! -. Le défi fut relevé et accompli par toutes et tous lorsque l’horloge de l’église roquebrunaise sonna ses trois coups.
Un peu plus d’une heure après, les hommes regaillardis, Amalric, Bertrand, Francaire, Martin dit Tristan, Merlin, les dames apprêtées et parfumées, Ana, Adélaïde, Aliénor, Désirée (par Amalric), Esclarmonde, Eudeline, Jacqumine, Jodelle, Mélusine, Marie-Ameline, Marie-Odeline, Sédeleude, Sara et Yselda dite Yseulde (inséparable de Tristan) s’immergèrent dans ce qui fut le fief des vicomtes de Béziers, le siège du seigneur de la Roque dont ne subsiste du château que la tour carrée dominant, altière, la vallée. Ainsi, nos bonnes femmes et nos bonshommes franchirent la « Porte basse », traversèrent le quartier du Barry, gravirent les ruelles escarpées jusqu’à la « Porte haute », retrouvèrent l’église et plus tard à la nuit tombée l’orchestre des batraciens-amphibiens dont le refrain semblait appeler… Bertrand. Au retour, Aziliz la normande accueillit en son auberge nos moyenâgeux autour de quelques mets, vins et agapes, fort appétissants au demeurant.
C’eût été faire injure à Dionysos que de quitter ce terroir sans faire une halte chez un de ses disciples. Certains diront « au débotté », d’autres affirmeront « par instinct », Bertrand ouvrit les portes d’un chai. Le maître des lieux, laissa un moment les travaux de la vigne pour nous parler du Saint Chinian (le vin, bien sûr). Il n’y eu pas, à son regret semblait-il, de dégustation car la crainte de la maréchaussée eut raison des penchants naturels et bien humains des visiteurs. Lesquels, ne voulant pas fâcher Bacchus, se reprirent une quinzaine de lieues après, au bord du lac de Jouarres près d’Homps, à l’invitation de Marie-Ameline qui fit partager sa joie d’être devenue la grand’mère d’un petit Alban, né la nuit précédente. Et, ma foi, l’appréciation fut excellente.
Ce fut bien nécessaire, voire indispensable, pour affronter la colère de Zeus qui fit donner foudre et tonnerre tout au long du retour. Sans pour autant entamer la bonne humeur emmenée pour ce périple en Haut Languedoc! Qui, d’ailleurs, a pris soin de ne pas dévoiler tous ses atours, comme une invitation à y revenir.
Bertrand