Séjour Marche PO 5 - 8 juin 2023
du « padre himalaya » à la madeloc : une histoire de signaux
Il y randonnée et randonnée, randonneur et randonneur. Il y a celui ou celle qui marche pour marcher et celui ou celle qui marche, découvre, apprend. C’est cette dernière option que choisissent les dix-huit ami(e)s de Séméac-Evasion pour leur séjour dans le Roussillon cher aux cœurs de Bernard et de Pierre. Le premier y eut des attaches familiales et affectives dès son enfance, le second le parcourut à pied et à vélo durant de nombreuses années. Ils sont donc tout désignés pour guider les pas de leur escouade.
Ce lundi 5 juin ce sera donc tourisme et découverte, histoire de se remettre des 382 kilomètres qui nous ont conduits de Séméac à Laroque des Albères où nous avons établi notre camp de base au camping Las Planes, authentique camping et pas « hôtellerie de plein air », testé et approuvé par le sherpa Benat un mois auparavant.
Guidés par Pierre, nous nous rendons à Sorède pour visiter le four solaire créé en 1900 par le savant portugais Manuel Antonio Gomes surnommé « Padre Himalaya » en raison de sa grande taille (1,93 mètre). En bons élèves nous écoutons les explications présentées dans un film d’une dizaine de minutes, puis celles données par un disciple du padre, expérience à l’appui : sous l’effet des rayons de soleil captés et réfléchis par des miroirs, puis concentrés en un point précis le bois s’enflamme immédiatement, le lingot de plomb devient liquide, etc…La leçon se termine car, malgré nos couvre-chefs nous entamons le processus de liquéfaction de nos corps !
Peut-être, sans atteindre des sommets himalayens mais en prenant un peu de hauteur, nous éviterons un coup de chaud. Direction le col de Panissars (325 mètres d’altitude) et son site archéologique au croisement des voies Domitienne et Auguste (Via Domitia et Via Augusta), au-dessus du Perthus (bien connu pour ses embouteillages lors des migrations estivales). Un panneau explicatif indique que Pompée y fit élever un trophée à sa propre gloire. Le col est dominé par l’imposant fort de Bellegarde dont nous parcourons le long glacis d’un kilomètre qui le protège. Son histoire traduit les relations et les conflits franco-espagnols : simple tour construite au XIIIème siècle par le roi Pierre III d’Aragon, elle devint le fort que l’on connaît, voulu par Vauban puisque Le Perthus était devenu territoire français par le traité des Pyrénées en 1659 ; il fut le théâtre des longues et dures batailles du Roussillon entre 1793 et 1794 qui opposèrent les troupes du royaume d’Espagne à celles de la Constituante française dont le sentier de la bataille – plutôt « des batailles » - du Boulou conte l’histoire ; puis, en 1939, un centre d’internement des républicains espagnols qui devint quelques années après une prison de la gestapo.
Nous terminons cette découverte de la partie orientale du Vallespir par une visite à la Cluze-haute avant de regagner Laroque des Albères.
Jérôme et son épouse Marie remplacent aux fourneaux Gérald et Carole qui gèrent l’hébergement tout en donnant un coup de main à leurs amis, sarthois comme eux. Une excellente équipe, jeune, sympathique, disponible et efficace. Après l’apéro (punch et sangria), offert par la maison, une paella calme l’impatience de nos estomacs.
Ce mardi matin 7 juin nous voilà rassurés. Les Albères sont dégagées, le soleil monte dans un ciel d’un bleu calme au-dessus de la mer. Les prévisions météo que nous suivions avec appréhension les jours précédents sont déjouées. Tant mieux !
9h35 : départ de Port Vendres, destination Banyuls sur mer par le chemin du littoral ; 9 kilomètres et 400 mètres de dénivelé annoncés par les guides. Pour l’avoir fait un mois auparavant avec de vrais faux basques (à l’exception d’une vraie de vrai), Bernard a bien conseillé : bâtons, chapeaux, crème solaire…sauf qu’il a omis de préciser que tous les sites consultés classaient cette rando : « difficile », différente de celle accomplie en 2016 par Michel, Yvette et Bernard. Mais à quoi bon refroidir l’enthousiasme de nos bigourdans ? D’autant plus que l’équipe euzkadienne s’était acquittée honorablement de la tâche. Il fallait faire aussi bien, sinon mieux ! Le troisième âge n’est pas dépourvu de l’esprit de compétition ! Et la beauté des paysages marins donne de l’allant.
Passé le cap Béar – que connaissent les auditeurs de la météo marine – nous nous engageons sur le sentier par une descente raide, caillouteuse. Suivront ainsi pendant une bonne heure et demie une succession de déclivités aux marches de hauteurs inégales (les petites tailles et les jambes courtes ne sont pas à la noce !) jusqu’à la plage Bélandi. Dans ce genre d’exercice, l’esprit et les sens sont mobilisés par l’attention exigée pour éviter toute dégringolade ou chute (nous sommes souvent au bord de la falaise) et par le désir de profiter du spectacle superbe que nous offre cette Côte Vermeille : au loin, le cap Creus, frère espagnol – pardon, catalan ! - du cap Béar, plus près la baie de Banyuls, l’anse de Paulilles, sous nos regards de charmantes criques, les magnifiques fleurs jaunes ou rouges des figuiers de Barbarie parsèment les bords du chemin. Voilà la récompense de nos efforts !
Cathy emmène l’échappée, l’homme-isard Michel court de la tête du peloton au groupetto aidant les uns et les autres, Philippe, placide et serein, ferme la marche. A 12h30, pause pique-nique à l’ombre des pins dans ce havre de quiétude de Paulilles. Les pouvoirs publics (département et conservatoire du littoral) ont parfaitement transformé et aménagé le site où se trouvait jusqu’en 1984 une dynamiterie créée en 1870 et dont l’histoire est retracée dans un musée implanté sur les lieux mêmes. La volonté et l’action des populations locales ont empêché, dans les années 1980, le projet assassin de construction d’une marina dans cet écrin de nature.
Les 3,5 kilomètres qui nous séparent de la plage des Elmes de Banyuls sont plus aisés à parcourir, de sorte que nous terminons la rando à 15 heures. Mais voilà : comment allons-nous rejoindre Port Vendres en ce mardi 6 juin, jour de grève contre la réforme des retraites ? Les bus à 1 euro vont-ils circuler ? La véritable basque de l’équipe, Danièle, prend l’affaire en main, téléphone et nous rassure : il y aura un car à 15h23 qui nous ramènera. Mais, attention, il n’y en aura pas d’autres ensuite.
Il est déjà 19 h, l’heure de….l’apéro… plus précisément du premier, car nous n’oserons pas refuser celui proposé par Marie. Une petite pluie a rafraîchi l’atmosphère et satisfait la population locale, même s’il ne s’agit que d’un « pichet de gat » (pipi de chat).
Le menu est fidèle à la réputation du chef : un excellent et copieux poulet à la catalane. Et là, surprise : Pierrot le Basque (ils sont partout, pire que les Ariégeois), le quasi quintal, un piédestal en guise de chaussures, une taille à cueillir des cerises sans échelle, fait des manières pour terminer son plat. Nous craignons je ne sais quelques maux d’estomac ou une de ces maladies imaginaires. Que nenni, Pierrot a reluqué les mousses au chocolat faites maison ! Vous devinez la suite….
Les (je dis bien « les ») mousses au chocolat n’ont pas perturbé le sommeil de notre ancien du BO (Biarritz Olympique). Nous le retrouvons en pleine forme au petit-déjeuner, tout comme les 17 autres ami(e)s.
Au lever du soleil, pas un nuage, pas un évanescent voile de brume sur les Albères. La rando vers le pic de Néoulous (Puig de Neulos en catalan), point culminant des Albères (1257 mètres) s’annonce prometteuse. L’accès au col de l’Ouillat (« Ullat » en langue vernaculaire) est un peu long, notamment depuis Le Perthus où la petite et étroite départemental 71 se révèle interminable – notre passagère Sabine est au bord du malaise -.
La pente s’annonce raide durant les premières quarante minutes imposant le silence dans les rangs et même faisant naître quelques remarques acrimonieuses dans certains esprits que le vent d’altitude et la beauté du panorama chasseront immédiatement à l’arrivée sur le méplat du « Roc Foiros ». Mais surtout, la motivation décuplera lorsque Bernard annoncera la visite - suivie de dégustation ! - de la cave des Templiers, fixée à 16h30.
L’antenne signalant le sommet est en vue à la sortie du bois. Nous franchissons la frontière et, sous la conduite de Pierre nous allons découvrir le « puits à neige », parfaitement restauré et entretenu (voir les photos sur le site de Séméac-Evasion). Construit au XVIIème il permettait d’entreposer la neige, laquelle était récupérée dès le printemps pour satisfaire les besoins domestiques.
Nous repassons côté français en mode commando pour atteindre le Néoulous que nous quittons en suivant le GR 10 qui nous mène au refuge de Tanyarède après une descente de 200 mètres de dénivelé négatif dont nos genoux se souviendront. Le pique-nique englouti, nous revenons par une large piste au détour de laquelle s’offrent à nos regards le bleu de la méditerranée, le vert du maquis et des bois, les villages au pied des Albères, les villes côtières.
A l’heure susdite, Franck nous attend devant la cave des Templiers pour la visite.
Nous entrons dans le chai, imprégné de ces senteurs boisées, sucrées, vinées, peuplé de ces immenses foudres dans lesquels se produit l’alchimie de la vinification surveillée, maîtrisée et choyée par le maître de chai. Le Banyuls, comme d’autres vins de la région (Muscat de Rivesaltes, Maury) est un vin doux naturel obtenu par le « mutage » c’est-à-dire l’arrêt de la fermentation par adjonction d’alcool neutre. Selon la durée de vie en barrique on obtient les Banyuls tradition (trois ans), les Banyuls grand cru (plus de 5 ans), le Banyuls prestige (selon la qualité du millésime et plus de 10 ans). Ces derniers terminent leur maturation dans des barriques placées durant au moins une année à l’extérieur, au gré des mouvements des saisons, de l’hiver sec et doux, à l’été parfois caniculaire (les barriques sont alors refroidies par un goutte à goutte d’eau de façon à éviter la contraction du bois et une « part des anges » trop importantes). La vinification des Collioure rouges, rosés ( le rosé « Salette » est excellent selon le spécialiste « es Banyuls et Collioure » Bernard) ou blancs exige les mêmes attentions, sauf le mutage, puisque ce sont des vins accompagnant les repas…bien qu’un «Banyuls Serra » sur un foie gras ou un gâteau au chocolat c’est le bonheur assuré…et si vous poursuivez avec un bon Havane c’est divin (selon le même disciple d’Epicure) !
Au bord d’une vigne, notre guide nous explique le terroir fait de schiste, tourné vers la mer qui brumise les vignes de ses embruns et dont les ceps vont puiser leurs ressources jusqu’à quinze mètres sous terre, la tramontane « ami fidèle des vignerons » (selon sa propre expression), les cépages à dominante grenache (rouge ou gris). Le travail de la vigne, la vinification sont ici comme ailleurs une histoire d’amour entre l’homme et la nature. Sauf qu’ici, ce n’est pas la plaine, les vignes sont implantées sur de fortes pentes, ce qui exige une culture en espaliers soutenus par des murets en pierre sèche, la construction de petits canaux pour capter l’eau de pluie et donc éviter le ravinement qui endommagerait les sols et les vignes. De la taille aux vendanges, point de machines, tout est dans la main de l’homme.
Nous dégustons quelques-uns de ces nectars qui finissent par convaincre un bon nombre d’entre-nous d’acquérir quelques flacons.
Forts de l’affirmation de Frank selon laquelle la dégustation ne représente qu’un verre, nous pouvons prendre l’apéro « Las Planes » avant les moules-frites du repas. Et bien sûr, Pierrot liquide sa marmite, sous peine d’être privé de mousse au chocolat.
Danièle, Dominique, Françoise, Sabine et Jean-Pierre nous quitterons le lendemain matin, les uns appelés par des obligations municipales, Sabine contrainte par son estomac qui a horreur des virages et Dominique astreinte par ses fonctions de copilote du véhicule Coronado.
Dommage, car la vue depuis la tour de Madeloc est superbe. Ce matin, grâce à dame Tramontane qui balaie le ciel de ses importuns nuages, nous embrassons de nos regards un immense panorama maritime de la côte audoise au cap Creus, l’étang de Canet en Roussillon, Saint Cyprien, Argeles sur mer, Collioure, Port-Vendres – qui avant de devenir une commune voilà un siècle était le port de Collioure -, Collioure, Banyuls. Pierre est souvent monté, dès l’aube, à Madeloc pour admirer un lever de soleil. Cette idée germe dans le cortex de quelques-uns d’entre-nous. Nous descendons un peu moins des 280 mètres de dénivelé que nous avons gravi. Pierre nous amène voir une œuvre, signalée nulle part, et pourtant digne d’intérêt et…de respect. En des temps très lointains des vignerons-viticulteurs ont construit une sorte de cave dont les murs des trois pièces sont carrelés de façon a accueillir les raisins ou/et le moût des vendanges effectuées sur ces pentes à 45%. Quel système ingénieux avaient-ils inventés !
Le dernier pique-nique pris, c’est déjà l’heure du retour en Bigorre, sauf pour Cathy et Philippe qui, à l’instar de Jacques Brel, veulent aller voir Vesoul. Enquête menée : tout le monde est bien rentré. Il ne reste plus à Pierrot de venir récupérer les 3 kilos d’anchois dont il raffole et qui lui ont été spécialement ramenés de Collioure.
Merci, Gracies à Pierre le régional et guide du séjour, à vous Arlette, Cathy, Danièle, Dominique, Elizabeth, Evelyne, Françoise, Juliette, Nicole, Sabine, Simone, Yvette, Jean-Pierre, Michel, Pierrot, Philippe pour votre participation et votre bonne humeur.
A la prochaine ! Avec le même esprit : « Un esprit sain dans un corps sain » !
Amitiés
Tarbes le 11/06/2023
Le scribe du séjour,
Bernard